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Letters

Dernières révélations sur la poésie et John F. Kennedy

(Christophe Passer, La Tribune de Genève, 24/03/2025) – Les nouveaux documents déclassifiés n’apporteront aucune vérité sur l’assassinat du président américain en 1963. Restera un poème bouleversant.

Alan Seeger était un poète new-yorkais qui vécut sa prime enfance avec une vue sur la statue de la Liberté. Il était sans doute aussi un peu aventureux et exalté, pas tout à fait moderne, disons romantique.

Il part pour Paris en 1912, bien avant que cela ne devienne un genre culturel en soi. À partir des années 1920, une bonne partie de la littérature américaine se fera aux terrasses de Montparnasse, entre Coupole, Dôme et Closerie des Lilas. Alan Seeger y est donc avant les autres, et adore la France. Ainsi, dès 1914, il s’engage dans la Légion étrangère pour combattre aux côtés de ses amis frenchies. Il mourra durant un assaut, été 1916, vers Belloy-en-Santerre. Il avait 28 ans.

Alan Seeger a écrit de magnifiques poèmes et beaucoup de lettres bouleversantes, notamment à sa mère, dans un style d’une élégance lumineuse et mélancolique: il aimait voir la beauté dans le drame, la lumière dans le terrible, la tendresse au milieu des carnages. Un de ses neveux, l’immense Pete Seeger, sera plus connu que lui, faisant une belle carrière de chanteur folk à partir des années 50.

Je vous parle d’Alan Seeger car je suis las des effets d’annonce sur les révélations au sujet de l’attentat mortel contre le président américain John F. Kennedy, il y a plus de soixante ans. Je me suis intéressé dans ma vie à tous les aspects de cette histoire, du rapport Warren aux géniaux romans de James Ellroy, car je crois qu’elle est un trauma américain, et une sorte de péché originel du crime occidental.

Mais en ouvrant les archives cette semaine, l’actuel résident à la Maison-Blanche dit faire preuve de transparence parce qu’il sait qu’il n’y en a aucune dans cet assassinat. Les milliers de nouveaux documents déclassifiés seront comme d’habitude une énorme déception, ne révélant rien, n’apportant aucune vérité.

Avec les années, le portrait du JFK Sixties s’est cependant effrité. Du président glamour voulant la lune et les droits civiques, on est passé au portrait d’un mâle toxique, malade comme un chien, constamment sous médication lourde, élu avec l’aide de la mafia américaine.

Alors voilà ma révélation. Oh, ce n’est pas un secret, mais cela me revient devant une photo de Kennedy au Texas. Il y a un court poème d’Alan Seeger, écrit cinq mois avant qu’il ne tombe d’une rafale de mitrailleuse dans la Somme. Son titre: «J’ai un rendez-vous avec la mort.» John Kennedy le déclamait souvent à sa femme, Jackie, et j’aime savoir que, dans la furie du monde l’entourant, il pouvait dire à haute voix des choses comme ces quelques vers: «Mais j’ai un rendez-vous avec la Mort/À minuit, dans quelque ville en flammes/Quand le printemps repartira vers le nord cette année/Et je suis fidèle à la parole donnée/Je ne manquerai pas à ce rendez-vous.»

John Kennedy, le 22 novembre 1963 à Dallas, avait ce poème d’Alan Seeger dans la poche de sa veste.

Christophe Passer, La Tribune de Genève, 24/03/2025 – Dernières révélations sur la poésie et John F. Kennedy